samedi 14 juin 2008

La nature


Nous sommes souvent le produit du climat et de la vie du paysage qui nous entoure.
Et la première beauté est celle du paysage.
Dans quelle mesure est il créé par l'homme ? Difficile à savoir, la conséquence de l'activité humaine étant impossible à mesurer.
Par contre on ressent toujours la singularité du paysage premier, celui dont on imagine qu'il échappe aux actions humaines.
A Toulon, ce paysage est exceptionnel, tout ce qui est construit est ressenti comme inférieur (et tant du point de vue de l'urbanisme ou de l'architecture, c'est certainement vrai, bien que l'on note une amélioration ces dernières années !).
Braudel a écrit, sur l'arrivée à Toulon au milieu des cultures d'Ollioules, la Seyne, que la beauté du paysage et la particularité du climat donnaient l'impression d'arriver dans un eden. Forçons notre imagination.
Mais chacun de nos comportements, chacune de nos créations sont certainement influencés par cette possibilité.
Ce texte est le dernier, je m'arrête là, au chiffre 99 : il n'est pas rond, et il montre bien l'arbitraire qu'il y a à choisir des oeuvres plutôt que d'autres. Peut-être y en a-t-il assez pour donner un aperçu significatif et dont la subjectivité soit mesurable.
Environ 500 000 personnes vivent, rêvent, imaginent et agissent autour de cette rade : on ne peut pas les connaître tous (en même temps).

Alexandra Giacobazzi


Alexandra Giacobazzi évolue dans un monde où s'équilibre le mouvement des volumes et couleurs; il y a avant tout la solide sensation de la maîtrise d'une forte énergie : contrastes lumineux et chaleureux, rythmes larges dans l'espace.
Elle crée, ensuite semble-t-il, des éléments de vie qui racontent une histoire dans cette plastique maîtrisée.
Evidemment, le nom qu'elle porte implique pour beaucoup une complicité au premier regard. Oui, des choses se transmettent et se perpétuent, et il est fantastiquement beau de voir comment les choses se prolongent dans le temps d'une personne à l'autre, cela est vrai non seulement pour elle qui a toujours vécu quasiment dans un atelier vivant et visité, mais également entre tous les artistes cités ici. Je regrette d'ailleurs de n'avoir pas trouvé les bons matériaux pour montrer quelques objets de l'antiquité et du moyen-âge, parce que l'histoire est continue (quand on la regarde de loin, pas quand on la vit). Je pense particulièrement à une sorte de papyrus retrouvé dans les fouilles des Riaux il y a une dizaine d'années; il s'agit du carnet d'un commerçant de l'antiquité romaine, et la matière, l'écriture en sont souvent dans ma tête en tant que témoignage de l'irruption de la grâce dans les gestes humains.
Alexandra Giacobazzi a reçu à mes yeux la meilleure des formations, elle l'utilise avec la meilleure des libertés, et son prénom seulement.

vendredi 13 juin 2008

Pierre-Jean Rey


C'est dommage, Pierre Jean Rey ne dit plus du tout qu'il est toulonnais, qu'il a beaucoup travaillé à Toulon, et que c'est le Musée de Toulon qui lui a donné sa première grande reconnaissance officielle, l'une des premières en France pour un photographe publicitaire.
Quand les studios Baobab étaient à Toulon, dans une ancienne et superbe menuiserie de Marine (devenue depuis des lofts où habitent ...des artistes, principalement), on sentait une grâce passer et de la passion (surtout lorsque Jane Birkin venait tourner un clip !).
En plus, la publicité n'est pas son seul talent, c'est un photographe vraiment, entièrement et un peu plus (il a cotoyé Dieuzaide, Brihat...) et aujourd'hui travaille sur des films et des documentaires, après la jolie opération "mille enfants pour l'an 2000".

Caroline Amoros


Elle fait du théâtre de rue, elle n'est pas de Toulon, mais elle a eu une triste aventure à Cuers, ancienne banlieue rurale communiste, aujourd'hui couverte de lotissements isolés. Dans son spectacle (qui a tourné un peu partout en France), il y a une intervention plastique : des graffitis quasiment 68ards, pas très méchants, il faut le dire.
La mairie a porté plainte et tout effacé (c'est la précédente mairie qui avait officiellement commandé le spectacle et ses à côtés d'animation de l'espace public). Pas très intelligent, il faut le dire. Et tellement énorme que ça n'en vaut même pas l'attention. Cuers non plus, maintenant, d'ailleurs, ville devenue sans qualités.
Ca me rappelle ma surprise dans les années 80. J'arrive à New York, je suis bouche bée devant les graphs partout : des métros entiers décorés, des murs colorés, un style qui était nouveau à l'époque, pas renversant mais soigné et joyeux.
La surprise, c'est quand un critique puis un galeriste m'ont expliqué que c'était considéré comme de la délinquance. En Europe, à l'époque, on appelait ça des fresques et on payait les gens pour faire cela, et on les remerciait en organisant des inaugurations pour constater comme la société était intelligente et vivante et civilisée. Mais dites donc, ça serait pas une réflexion de vieux monsieur ça ?

jeudi 12 juin 2008

Marie-France Lejeune


Marie-France Lejeune met en oeuvre l'impression que la réalité est présente dans ce qu'elle fait, et c'est en fait un leurre, et c'est peut être ça le sujet de son travail.
Au delà de ces images, elle construit et installe un système d'espace, de mise en scène, qui décline le regard sur ces réalités.
A vous de prendre conscience de votre regard sur ces morceaux de réalité, et de déterminer quelle est son intervention, quel est le propre regard qu'elle croise avec le vôtre.

Samuel la Roze


C'est certainement le seul artiste vivant à Toulon que j'aie découvert à Grenoble.
Il a une sorte de mordant massif, et il conçoit des objets qui empoignent les ombres du refoulé pour les mettre au grand jour et obliger chacun à regarder ses pires vérités en face.
Un certain sens de la scénographie dont le but est en général de déranger me paraît le caractériser : des armoires géantes aux portes ouvertes le long d'une autoroute (une commande pour les autoroutes du Centre de la France, où il semblait penser qu'on ferait bien de vider le fond des armoires et d'ouvrir les portes).
Beaucoup de choses, socialement dérangeantes, et ceci , qui a pour nom "Mère maudite-erronée".

Charles de Tournemine


Il est né place d'Armes, et il est mort à Toulon (en 1878).
Ce qui me passionne chez lui est qu'entre les deux il a connu l'ensemble de la Méditerranée et fait quelques incursions ailleurs, en Inde, notamment.
Et que la majeure partie de son temps a été consacrée à l'orientalisme.
Pas de génie, mais une qualité, notamment de narration, de notation et de perspective, et, surtout, le témoignage de l'esprit voyageur, une sorte de goût pour créer l'exotisme qui tient avant au plaisir de connaître l'étranger.

Frédéric Montenard


Bien qu'il soit né à Paris, c'est ici qu'il a le plus travaillé (avant de mourir à Besse dans les années 20).
C'est un des peintres "anciens" dont l'absence de maniérisme et la liberté m'apparaissent les plus fortes.
Et l'un de ceux qui ont été capables d'aller au plus novateur de son temps, tout en montrant et partageant une sensibilité à des choses éternelles des suds - sa représentation de la lumière, par exemple, est rare.
Ceci dit, on sait bien que le Sud, qu'il donne à percevoir, est une invention du Nord, comme l'ailleurs l'Orient est une invention de l'Occident.

Gilles Boudot


Je reste admiratif et silencieux devant les photographies de Gilles Boudot.
Elles naissent visiblement de phénomènes complexes et de réflexions profondes qui savent poser l'hypothèse de la transformation de l'anecdote en principe. La technicité parfaite de la réalisation et de la pensée me dépassent un peu, je souris parce qu'il est clair qu'il a envie de faire sourire, mais les téléscopages sémantiques qu'il provoquent vont trop loin pour moi (et j'adore ça).

Stephen Liegeard et l'azur


Il faut absolument redresser un tord : le terme de Côte d'Azur est récent, et il a été inventé par Stephen Liegeard alors qu'il se laissait envahir par le ciel de Toulon (et donc pas celui de Nice).
Voilà la vérité : Stephen Liegeard attendait un train (alors tout récemment construit) à la Pauline, une petite gare qui à l'époque se trouvait sur le territoire de Hyères et qui maintenant se trouve sur la Garde, lieu devenu aujourd'hui l'espace informe que l'on nomme "entrée de ville" de Toulon.
Il regardait le ciel, et a dit au chef de gare : "elle est tellement bleue, cette côte, on devrait l'appeler la Côte d'Azur".
Or l'Azur est un des rares moyens de représenter l'infini en le faisant ressentir.
Nommer et représenter l'infini est un geste singulier.

Van Rogger


Le mythe a été bien construit. De la façon dont il est construit, je doute que l'on puisse regarder vraiment les travaux qu'a laissé derrière lui Van Rogger, et que l'on peut voir à la Fondation, là où il vivait à Bandol.
Il est regrettable qu'autour de son nom circulent les très discutables notions et valeurs d'artiste maudit, seul, génial, retiré du monde.
Parce qu'un artiste est d'abord quelqu'un qui nous donne une autre vision du monde que nous partageons avec lui.
Je préfère profiter des effets de matière, mouvement et lumière que ses travaux dégagent, et me dire qu'il a des points communs avec deux très très grands auxquels je pense souvent : Jean Dubuffet et Alberto Burri.

Pierre Belouin


Il y a à la fois des formes sonores et des formes plastiques dans ce qu'il fait, le dispositif qui résulte de son travail échappe donc à toutes sortes de normes, et ils sont très peu nombreux à l'avoir réussi.
Avec une petite image et un tout petit texte, on n'a qu'une vague conscience de ce qui se passe et de ce que l'on reçoit - de l'expérience que l'on peut avoir avec ce qu'il fait.
Je ne peux pas résister à cette image là, parce qu'elle s'apelle "I'll be your mirror", et je n'ai jamais résisté au Velvet Underground. C'était à Strasbourg, j'imagine le son, et le matériau principal, c'est l'espace urbain et une bonne dose d'aluminium.

Laurent Septier




Il fut un temps lointain où on voyait tout le temps Laurent Septier, maintenant on le voit ailleurs, souvent loin.
Il est dévastateur et sans ironie explose les archétypes du monde contemporain, consommation, politique, imageries. Et, de l'intérieur des imageries, ce qui peut être un cynisme est en fait une critique arrêtée juste avant de formuler une utopie.
Du coup, il y a une sorte de joyeux désespoir dans le tout, qui prend toutes les formes que j'aime : installation déjantées, photographies du banal...
Ici, d'ailleurs il emprunte à Niele Toroni, puisqu'il a appelé le tout "Toroni figuratif".

Paul Luyton


Modernité, singularité et poésie personnelle, adaptation au paysage et à la nature, formes pures : impossible de me faire plus plaisir.
1968, c'est l'année de la réalisation de la "Maison coquillage" de Paul Luyton, pas de hasard ! Il est difficile d'éviter de poser les noms de Paul ou Christian Luyton lorsqu'on parle de modernité ici. C'est fait, et pas avec la moindre des créations. Je n'entamerai pas leur réputation en regrettant que parfois, un excès de fonctionnalisme ait primé sur le spectaculaire des formes.

Auguste Pélabon


Je n'ai pas trouvé la meilleure de ses oeuvres (mais il y en a dans les tréfonds du Musée de Toulon).
Il fait partie de ceux, minoritaires, qui ont su passer d'un siècle à un autre et s'ouvrir au futur.
Il a du mourir dans les années 30. Il n'avait pas hésité très tôt à sortir des sentiers battus et essayer les découvertes de la modernité qui faisait souvent scandale, l'impressionisme, notamment. Quelque part, ce sont des gens come lui qui ont sauvé l'honneur en maintenant ouverture et sens du risque.

Alain Pontarelli


Il entre dans toutes les brèches et dans toutes les voies de l'art d'aujourd'hui.
J'y suis particulièrement sensible parce qu'il allie une critique de l'architecture (et donc de la ville), au développement de tout un vocabulaire des scénographies de l'intime.
Alain Pontarelli n'hésite pas à la grandeur et à l'humour, il est pertinent, il ouvre l'espace et la conscience comme si c'était un jeu.

mercredi 11 juin 2008

Marie-Diane Tassy


Elle vit de sa photographie, elle court tout le temps.
Elle trouve dans le moindre paysage la structure d'une forme qui organise l'espace et met en valeur les éléments vivants qu'elle veut raconter. Elle paraît la mettre en lumière instinctivement, et ses personnages y trouvent leur place naturellement (et en plus je ne me suis pas trouvé trop laid à chaque fois que je suis apparu sur ses tirages).
Elle aime jouer sur la taille des tirages, justement, parfois, elle ajoute des éléments pour mettre en scène des photographies, comme par timidité, et moi je regarde encore plus la photographie elle même.

Jean-Gérard Mattio


La chapelle de la Transfiguration (près du Val Fleuri) n'est pas de Alfred Henry comme je l'avais cru dans un premier temps, mais d'un de ses proches, Jean-Gérard Mattio. J'avais écrit, dans ce premier temps : "Il est quasiment impossible de trouver des informations et des images sur lui et l'architecte moderniste Alfred Henry (sauf, il y a un ou deux ans, dans une expo de la Villa Noailles). J'avais voulu photographier la chapelle du Val Fleuri, tout béton : pas d'angle possible. Alors, deuxième notule sans photo. D'abord, un exploit : accrochée à la pente du Faron, la chapelle de la Transfiguration (près du Val Fleuri) est faite de béton brut de décoffrage, avec des courbes corbuséennes, et des baies vitrées immenses DERRIERE L'AUTEL.... POUR QUE L'ON PUISSE VOIR TOUTE LA RADE DERRIERE LE PRETRE PENDANT LA MESSE ! Etonnez vous après cela qu'une caractéristique toulonnaise soit cette envie de symbiose avec la nature...
Alfred Henry en collaboration avec Jean Beauregard, Jacques Chapon , Emile David, architectes, a dessiné la Caisse d'épargne, aujourd'hui siège de TPM, et la piscine du Port Marchand, bâtiments tous deux classés au patrimoine du XXème siècle - où l'on retrouve .
Lorsqu'enfin on célèbrera et mettra en valeur le patrimoine moderne de Toulon, il ne faudra pas non plus oublier la gare du téléphérique, de Pierre Pascalet, dont c'est à ma connaissance la seule forme vraiment originale : pour le reste, ce que je connais de lui, le Concorde et la Tour d'Ivoire, sont des immeubles de qualité au style secondaire et aux ornements pas vraiment aboutis.
"

Heureusement la famille de J.G. Mattio m'a fait parvenir sa biographie, rédigée par Alice Mattio, que voici.

"Jean Gérard Mattio, né à Toulon le 27 mars 1927, décédé à la Seyne sur Mer le 31 décembre 1995. Passe son enfance à Sanary où il dessine et peint « sur le motif » avec ses parents les artistes Laurent et Odette Mattio (Paul Provence).
Evacué dans la Loire en 1944 (le port de Sanary est miné), expose pour la première fois à Roanne , en 1945, dans une galerie et aux Amis des Arts , des aquarelles signées Jean Sanary.
En 1947 la famille s’installe à Toulon. C’est le temps de l’Ecole des Beaux Arts et du service militaire. Intérimaire au lycée Peiresc, Jean-Gérard devient professeur à l’Ecole de Beaux Art de Toulon où il enseigne le dessin , la perspective et la décoration.
On est en pleine période de reconstruction . La publication du « Modulor » de Le Corbusier coïncide avec ses recherches sur le Nombre d’Or. Il en fera la base de son enseignement et de sa pratique, soucieux d’inscrire l’Homme au sein d’un espace harmonieux .
En 1947, à la demande du Père Eouzan, curé de la paroisse St Vincent de Paul au quartier de Montéty, il trace les plans de la chapelle de la Transfiguration, réalisation où, dans les limites qui lui sont imposées , ses convictions seront les plus visibles. Dans le même temps l’architecte Alfred Henry lui confie l’aménagement et la décoration de la Caisse d’Epargne. Le président Jean Labrosse désirant faire, à l’heure où l’ on ne parlait pas encore de mécénat d’entreprise, une œuvre inscrivant l’art au cœur de la ville, Jean-Gérard fera appel à des artistes locaux confirmés en particulier Henry Pertus et Gilbert Louage dont les tapisseries accrochées dans les bureaux ne sont de ce fait visibles du publique qu’au cours d’expositions. Roger Capron est l’auteur de la céramique décorative de bassin et de la fontaine du jardin intérieur, et Mobélem fournira l’élégant mobilier Knoll.

Par la suite la collaboration de Jean-Gérard Mattio avec Alfred Henry se poursuivra de différentes façons et en particulier avec l’animation murale du Stade Nautique du Port Marchand. Aménagements de magasins , décorations d’immeubles ,villas , lui feront laisser de côté ses pinceaux pendant un temps. Il les reprendra plus régulièrement en 1984. Tout ceci en assurant ses cours pendant plus de 40 ans, l’enseignement étant la cause et le but de ses recherches.

Ci dessous, deux autres travaux de Mattio très différents, un chemin vers la Sainte Victoire, et la fresque monumentale du stade nautique du Port Marchand. Ces trois images grâce à son fils et sa femme, qu'ils me prêtent gentiment pour ce blog.

Amédée Pianfetti


Voilà ce que j'avais écrit au départ sur Amédée Pianfetti : "Ca fait un mois que je ne trouve aucun Jpeg d'Amédée Pianfetti. Tant pis, un texte sans image, mais je ne vois pas comment ne pas parler d'Amédée Pianfetti.
Il a été actif avant la guerre (la Deuxième Guerre mondiale), pendant et après.
J'ai vu quelques toiles, il y a longtemps, c'était rythmé et coloré.
En fait on trouve plus d'informations sur lui en Allemagne, parce qu'il a été proche de Django Rheinhardt qui a passé du temps à Toulon, il semblerait même qu'ils aient fait musique et peinture ensemble en changeant les rôles de temps en temps.
Et il a préparé le terrain pour la liberté : c'est lui qui a amené Giacobazzi à la peinture, entre autres. Il a été ami avec Henri Komatis, aussi.
Et puis j'avais bien aimé quand Giacobazzi m'a dit un jour quelque chose du genre "moi j'ai appris avec des vieux types qui glandaient au Revest"

Et puis un jour quelq'un m'a envoyé un mail pour me dire qu'il avait un Pianfetti chez lui, auquel il était très attaché, en proposant qui plus est d'en faire une photographie.
Merci, merci beaucoup !
Voici donc sa photo, et quelques mots sur le rapport qu'il entretient avec le tableau en question : "C'est une nature morte et lorsque je l'ai vue dans une galerie à Toulon, sans connaître le peintre à l'époque, mon regard ne s'est pas détaché de la toile,comme si j'étais hypnotisé.
L'univers me plait et c'est une source de tranquillité dans mon salon. La peinture est magnifique et d'une qualité digne d'un peintre beaucoup plus renommé."

Volaire



Le Chevalier Volaire.
Il est aux racines de l'art à Toulon (mais juste après de la Roze).
A l'époque, le XVIIIème, il règne une grande sophistication technique et on apprend beaucoup, principalement parce que la Royale est un bon et exigeant client.
Le sens du sujet, une maestria impressionnante : il est né à Toulon, et s'est rapproché des lieux où l'art vivait : Rome, puis Naples où il est mort.
Dans les années 30, la bourgeoisie toulonnaise adorait encore aller en bateau à Naples pour l'ouverture de la saison lyrique.

Bruno Vigoroso


Un artiste autonome, joueur, ouvert, pédagogue. Mais oui, mais oui, ça existe.
Mais être aussi sociable a un prix : Bruno Vigoroso, comme en conséquence, ne joue ni sur la singularité, ni sur la marginalité, ni sur la supériorité, ni sur le mystère.
Alors, forcément, il ne joue pas dans la cour de la critique, de la mythologie personnelle, de la célébration de l'égo difforme.
Et forcément, ça respire la santé. Tout en décrivant les bizzareries qui découlent du simple fait d'exister.
Il aide des dizaines de jeunes et moins jeunes à trouver leur propre exercice.
C'est rare.

mardi 10 juin 2008

Nicolas Belloni


Il passe d'un média à l'autre, dessin, vidéo, photo.
Il crée son univers personnel en observant et en reliant les événements du quotidien urbain; il raconte en créant des étincelles qui créent elles même des histoires.
C'est un urbain, qui regarde les individus dans la ville, le mouvement de la ville et toutes les histoires qui s'y créent.

Fabienne Frossard


Elle crée un monde où le corps se déforme, des animaux apparaissent, c'est un univers; mais derrière un sens du loufoque et du non sens, on sent comme une révolte.
Evidemment, elle joue de tout.
Pour la connaître, il faut aller sur MySpace où elle a comme amis des photographes (entre autres) qui lui ressemblent partout dans le monde.

Pascal de la Roze


En fait, l'histoire de la peinture à Toulon commence avec lui. Ce chantier naval date de 1708, bien avant Vernet.
Il y a bien sûr eu une histoire de l'art avant : celto-ligure (ils descendaient des oppidums pour commercer sur la plage), romaine (beaucoup d'objets ont été retrouvés sur la grève qui est maintenant le port, dont deux barques horeia dont on ne possédait dans le monde que des dessins avant de les découvrir dans les années 80), du Moyen-Age (mais le Moyen Age est en général très médiocre en Provence : le Beau vient de Lombardie et de Catalogne, et souvent ne fait que passer).
Le savoir faire est extrêmement fort, on sent un préprépréromantisme : survalorisation de la nature, pointes d'émotion...

Horace Cristol


Un peu oublié, recherché par les collectionneurs, Horace Cristol fait partie des peintres qui ont commencé à se détacher de l'univers de la commande politique, très fort à Toulon (le Roi, la Marine...). Cette commande politique, ce lien au pouvoir ont été définitivement dissous dans le courant des années cinquante.
Il a créé principalement au début du siècle, et fait partie de ceux qui ont amené une modernité éclairée, qui ont aidé les autres à passer du savoir faire à la création libre.
Et l'on peut noter qu'il continue, comme les anciens, à se situer dans un univers très ouvert sur l'Orient et le Maghreb (ici, apparaît Constantinople, et les vues de Venise, chez d'autres, sont innombrables, il se pourrait bien que l'orientalisme en peinture ait son origine ici).

lundi 9 juin 2008

Minos


Minos, sous titre : photographes en Méditerranée. C'est le second mouvement de groupe qui a ouvert la voie pour d'autres après le groupe 50.
Ils ont créé un engouement pour la photographie.
Ils ont ensemble respecté le travail de chacun, exposé les uns, les autres, ouvert une place même à ceux qu'ils ne connaissaient pas.
Le résultat en est qu'ils travaillent en étant regardés et respectés, et qu'il y a maintenant à Toulon une (toute petite, hélas) Maison de la Photographie avec une programmation ouverte sur le monde - car ils ne se refermaient pas sur eux avant que l'enjeu social d'un lieu ne brise leur moteur.
Je ne les cite pas parce qu'ils sont déjà présents, pour certains, ailleurs dans ce site. J'en profite pour dire que j'aurais voulu faire quelque chose sur Danielle Flayeux dont le travail est constamment intéressant, mais je ne trouve pas de photo d'elle... tant pis pour moi, depuis quinze ans je veux acheter une photo précise d'elle, et je ne passe jamais à l'acte.

Le Groupe 50


Il y a eu deux mouvements de groupe qui ont changé quelque chose dans les arts à Toulon dans la seconde moitié du XXème siècle.
Le Groupe 50.
Minos, photographes en Méditerranée.
Ils existent chacun comme un bout d'âme qui donne du mouvement. Je pose ici pour chacun un petit texte, comme s'ils étaient une personne.
D'abord, le groupe 50.
Je sais peu de choses d'eux, sinon qu'il y a trente ans, tout le monde soupirait de bonheur mystérieux "ah, le Groupe 50".
Ils sont décrits comme "ceux qui rêvaient d'autre chose".
Ils ont visiblement ouvert une brèche, d'autres s'y sont engouffrés.
D'abord, ceux dont je n'ai pas trouvé de trace (bien que l'une soit devenue l'épouse d'un autre !) : Monique Ducreux, Monique Rog, Jacques Burois.
Gilbert Louage est présent plus loin.
Je joins, exception, deux images de Pierre Anfosso (staélien, semble-t-il, il crée également des iris aujourd'hui) et Robert Mendoze, qui peint toujours dans son village de Saint Anastasie, et sur qui Samuel Estrade a réalisé un joli film. Parce que je ne les connais pas vraiment au delà de leur participation à ce qui est pour moi un mythe !
Il semblerait que dans les années 50, ils se soient limités à organiser une exposition ensemble et être suffisamment ouverts, communicatifs et rêveurs pour partager foi et rêve autour d'eux, et que cet élan suffise pour que la trace se perpétue.
Ce que je sais d'eux me confirme cependant des hypothèses qui se confirment au cours de la rédaction de ces notes : il y a ici un sens de la liberté personnelle, un rapport à la nature (les iris d'Anfosso...), d'un entraînement à rêver "autre chose".
Gérard Estragon a prolongé cet esprit en fondant le Rendez Vous des Jeunes Plasticiens - c'est peut-être bien du groupe 50 et de ses utopies que vient l'esprit d'égalité et d'ouverture qui y règne et qu'aujourd'hui protège Ariane Céris.

Jean Michel Fidanza


Chanson connue : encore un photographe.
Mais là, j'ai une réaction particulière : comme en ce qui concerne Annie Pascal, je peux et dois dire que depuis plus de vingt ans je vis avec des pieds de Jean Michel Fidanza.
Des pieds qu'il a photographiés.
Le jour où je l'ai défait de cette photo pour l'amener chez moi, j'ai lu en rentrant la petite phrase "parfois l'amour s'attache à des détails".
J'avais déjà décidé de vivre avec cette photo, mais ça a aggravé les choses, d'autant plus que le regard posé sur ces pieds n'a rien d'obsessionnel.
Il m'apparaît comme capable d'une délicatesse rare, comme un photographe, en quelque sorte !

Henri Olive-Tamari


Quand j'avais vingt ans, Olive-Tamari commençait à entrer dans l'histoire alors que je commençais à regarder l'art.
J'avais une admiration et de la sympathie.
Olive-Tamari, c'est d'abord la lumière, la couleur et une joie de ressentir.
Une façon, également, de se livrer librement à de la recherche.
Il y a beaucoup de toiles de lui où à travers un art du paysage que je n'aime pas forcément, mais qu'il a radicalement modernisé, apparaît le sens de l'espace et de la lumière.
Et puis il y a tout un ensemble de toiles qu'il appela surréalistes... et que je trouve lumineuses et pointillistes. José Lenzini a fait un beau livre sur lui qui gagnerait à ne pas être oublié.

Christine Madec Gomez


Elle a un côté fine mouche et sorcière enchantée qui désormais s'exprime à travers l'engendrement d'une armée de personnages à l'allure ethnique (il est d'ailleurs possible qu'elle ait inventé les ethnies en question, bien qu'elle vive avec quelques pièces d'art africain).
D'abord elle montre des corps (c'est incroyable ce qu'il peuvent venir par morceaux : tiens, j'ai oublié ma tête, tiens, j'ai un chouette noeud papillon, etc, etc...).
Elle paraît chercher aussi d'autres choses et cette recherche est en marche, mais ce sont ces quatre personnages que je choisis, deux sans têtes, deux avec, un homme et une femme. Mais peut être ne font-il qu'un ?

Jean Louis Duchier


Jean Louis Duchier perpétue ce qui m'apparaît comme traditionnel ici : la recherche d'une modernité qui prenne en compte climat, nature et cultures.
Son architecture allie curieusement pureté et espace, et insertion dans le mouvement du paysage.
Il a un sens de l'agencement fonctionnel des blocs qui fait que dès que je regarde un de ses batiments, le mot architectone résonne avec délices dans ma tête.
Mais, surtout, c'est sa volonté de suivre les lignes naturelles, de s'en servir et de les protéger qui me touche.
C'est avec un peu d'humour que je choisis ici le batiment de... l'émissaire du Cap Sicié, car lui aussi a été dessiné avec un sens de la symbiose avec la nature.

dimanche 8 juin 2008

Caroline Tabet


Elle utilise toutes sortes de matériaux qui foisonnent, mais à y regarder de plus près le sujet est clair, simple et urgent.
Des mots, français, arabe, hébreu, qui ne racontent pas mais posent et appellent.
Des photos, des objets, des matières.
Une oeuvre est toujours un tissage, mais il y a des tissages et des entrelacements de textile véritable, parfois une sorte de broderie pour rendre entiers des sujets qui se réunissent dans son travail.
Une très grande photo d'un immeuble de Beyrouth, avec cette silhouette particulière des immeubles bombardés, modernes mais qui prennent l'aspect dramatique de ruines antiques; dans une fenêtre subsiste la vie : il y a du linge qui sèche.
Qu'y a-t-il au creux du vivant et de l'humain ?
Qu'elles soient simples ou complexes, il me semble que ses travaux rendent compte du même sujet et l'explorent; je choisis l'image d'une sorte de tour de métal rouillé (qui fait partie d'une série). Sa forme et sa présence, dans la paix du végétal fort et fragile qui pousse, vivant, en silence, paraissent trouver leur juste place dans le mouvement des choses, survivre et vivre.

Jean de Mailly


Un chapitre entier de l'histoire du goût pourrait être écrite à partir de la frontale du port de Toulon et les rapports qu'entretiennent les toulonnais avec elle.
Ses habitants, en général, en sont très contents.
Jean de Mailly (voir par ailleurs la partie de la reconstruction de Toulon confiée à un varois, Mikélian) a d'abord, en 1951 été très applaudi pour son projet, qui a fait l'objet d'une exposition... grandeur nature, au ... Salon des Arts Ménagers ! Mais notons que l'année d'avant, c'est la Cité Radieuse de le Corbusier qui avait été exposée au Salon des Arts Ménagers !
Ce que l'on voit ici est la maquette grandeur nature présentée à Paris.
Succès critique, succès politique, succès populaire, l'opération fut considérée à l'époque comme le phare de la reconstruction française. Elle commence à peine à être regardée et réhabilitée, aussi bien matériellement qu'intellectuellement.
Mais, verve populaire toulonnaise oblige, elle n'a pas encore fait l'itinéraire historique de la Cité Radieuse ou de la Ville du Havre (dont le béton est maintenant classé patrimoine mondial de l'humanité).
Jean de Mailly, dont c'est la principale réalisation, contrairement à Marseille et au Havre, a fait entrer dans son projet des éléments de rapport au climat, à l'imaginaire de la ville, à la culture méditerranéenne métissée - moucharabiehs et ornements antimodernes et arabisants partout, dont on peut voir qu'ils sont en écho avec, à trois cent mètres de là, les immeubles de Mikélian au Port Marchand, qui sont aujourd'hui mal mis en valeur et isolés.
C'est le même réflexe que celui de le Corbusier au Pradet, qui une seule fois dans son travail s'est laissé aller à une telle sensibilité au climat et à la nature environnante. Parfois l'âme des lieux dépasse les architectes, même modernistes...
Encore dix ans, et on risque le classement aux monuments historiques, d'autant plus que la dernière rénovation est enfin juste (et n'oublions pas que la Villa de Noailles, à Hyères, a manqué d'être détruite...).

Goulven


Autant le dire tout de suite : je ne comprends pas qu'on ne comprenne pas ce que fait Goulven.
Il travaille le métal, chose violente et difficile, et il y a toujours une aventure et des dangers qui traversent le parcours de chacun de ses travaux.
Mais plus le temps passe et plus j'admire ce qu'il fait.
Je choisis l'image de son oeuvre la plus problématique, je la trouve exceptionnelle, et elle a pourtant été à l'origine de jugements très durs, et, pour tout dire, inconscients, me semble-t-il.

Gérard Serre


Et voilà, encore, encore, un atypique, qui traîne ici, qui traîne en Suisse, qui emmène d'ici à là-bas une singularité.
Il engendre autour de lui un bestiaire toujours drôle et impressionant, enfantin et donc plein de sortilèges, brut, il faut des prouesses en utilisant les matériaux les plus difficiles à travailler (connaissez d'autres utilisations du verre qui ressemblent à celle-là ?).

Baboulène


Il y a trente ans, nous n'en pouvions plus de Baboulène, il nous révoltait comme l'art de notre temps le révoltait souvent.
Son image était tellement forte qu'elle bloquait tout, alors nous en voulions à tout le monde, lui, sa galerie, sa notoriété (il y a eu un Musée Baboulène au Japon...), et une chose qui nous révoltait encore plus : il était capable de faire plusieurs fois le même tableau, mais il faut bien voir la volonté de faire plaisir qui se cachait là.
Si l'on essaie de raconter une histoire, le temps qui passe, il faut quand même bien se résoudre à une chose : il a existé, et il y a aussi quelques belles choses dans ce qu'il a fait - le reste appartient à l'histoire collective. Le provincialisme et le conservatisme ne viennent pas forcément des personnes qui ont été prises dans leurs filets.

Eric Principaud


Avec lui vient une phrase que j'écris, contrairement à toute attente, vraiment sérieusement : la photographie consiste à donner à voir ce que l'on ne peut pas voir.
Singularité de l'angle de vue, tirage à la limite de l'idée de tableau, perfectionnisme : il y a peu de mots pour décrire et définir ce qu'il fait.
Cette photo résume bien son travail au delà des mots, et se trouve en symbiose avec ce que font et ont fait bien d'autres urbanistes, photographes et dessinateurs ici.
Le lieu qu'il nous donne à voir est l'un des plus incroyables incidents d'urbanisme que j'aie jamais constaté. Un souterrain à ciel ouvert en plein centre de la ville, stratégique pour la circulation, où, quand l'automobiliste passe, une fracture se crée et ouvre la porte à l'imaginaire.
Mais là c'est la réalité qui a imprimé l'image, seuls sont à la source les choix de l'angle de vue, du moment en fonction du climat et de la lumière, les choix faits au tirage.

samedi 7 juin 2008

Pierre Letuaire


"Les vieux types provençaux s’en vont : quelques-uns d’entre eux n’existent même plus que dans la tradition ; nous voulons rappeler ici ces types, et rendre la physionomie de ceux qui survivent encore aujourd’hui. Nul plus que M.Letuaire, de Toulon, n’était apte à rendre ces physionomies pittoresques et piquantes”. Letuaire a choisi les thèmes suivants : “Lou Cabanoun, lei Répètieros, lei Bugadièros, Nervis et Quecous, Peissounièros et Pescadous, lei Paysans, lei Francios, lei Gavouès, etc".
Et encore un dessinateur ! Letuaire, de l'après révolution aux balbutiements du monde industriel, a été un témoin, et a appris le dessin à nombre de jeunes gens qui ont ensuite vu une autre modernité se développer (il me semble même que Pertus a été l'un de ses élèves).
On voit par ailleurs très bien sur ce dessin que la Provence était ouverte sur le monde bien avant le développement du tourisme !

Patrick Sirot


Encore quelqu'un qui peut être classé parmi les dessinateurs, mais son imaginaire dépasse largement l'espace que l'on imagine à partir de ce mot, tout en présentant les mêmes caractéristiques.
C'est charnel, un peu poignant quant à la condition humaine, ce sont des images qui me vont alternativement penser à Goya et Ernest Pignon Ernest.
Avec parfois l'apparition d'une fantasmagorie personnelle tout à fait étrange - elle devrait être fantasque, et pourtant elle ne fait que renvoyer à la condition humaine.
Souvent, ses dessins ramènent à mon esprit que l'homme est un prédateur, et en plus le prédateur de lui même, et qu'en plus sa conscience lui permet de le représenter et de le penser.

Frank Lovisolo Guillard


Voilà quelqu'un qui lorsqu'il veut parler de sagesse, dans une atteinte quasiment bouddhiste, cite... Franck Zappa (d'ailleurs, c'est un autre Franck, un c en plus).
Il est musicien, aussi, mais quand il fait de la musique, il lui arrive de le concevoir comme une installation.
Il est réfugié à Aix, mais il est né et a travaillé à Toulon. Cela arrive.

Claire Dantzer


Elle utilise principalement la photographie et la vidéo.
Des visages, beaucoup de visages, et l'expression de ces visages, souvent occupés, exprimant malgré eux.
A la limite du tabou, jeux de masques, jeux d'identité. Parfois un peu cruels pour la dignité, révélant le mouvement des apparences de soi provoqués par le désir à l'oeuvre.

Stanislas Amand


Stanislas Amand ne fait pas trop parler de lui, enseigne à Paris, et c'est ... un photographe.
Un photographe de l'espace construit et habité : ce qui l'intéresse, il me semble que ce sont les improbables vides spatiaux, parfois pauvres, et la présence humaine, riche, comme en apesanteur. Il est aussi urbaniste.
Il photographie aussi la présence des personnes dans la nature... lorsqu'il est à Toulon.
Vraiment, il ne fait pas assez parler de ce qu'il fait, parce que tout ce qu'il fait est d'une post-modernité parfaite, ce qui me touche, et je ne suis pas le seul à le penser. D'ailleurs, saviez vous qu'il a été carrément hôte de la Villa Médicis ?

Gilbert Louage


Encore un atypique.
Très atypique, et il est là question de lumière, d'une aveuglante et troublante lumière intérieure !
Il a fait de tout - il a dû, si je me souviens bien, disparaître au tournant des années 80.
Son entourage irradiait d'affection, d'admiration, de respect et de regret bien après cela.
Des toiles, beaucoup de toiles, des illustrations - qui brûlent littéralement la notion même d'illustration, souvent pour le théâtre, des décors, des costumes.
La religion, là encore apparaît souvent, comme une blessure sans cesse réparée.
Mais ce qu'il laisse est un art aussi peu à la mode que l'est aujourd'hui son oeuvre (le temps qui passe réparera cela), une oeuvre de tapisserie et de broderie qui laisse pantois. Minutieuse, gigantesque, lumineuse.

Albert Decaris


Il était né en 1901. Pour moi c'était un vieux monsieur sympathique, secret, éclairé et capable d'acharnement.
C'était un graveur. Ne rechignant pas au travail, sa précision a fait qu'il a réalisé la gravure de nombre de timbre-postes français que vos doigts ont collé pendant de nombreuses années.
Il semblerait même qu'une bonne partie des spécialistes le considèrent comme le plus grand graveur français du siècle dernier.
Je me suis intéressé à son univers - qui me reste assez étranger - à cause d'un fait en lui-même très varois. L'ancien "Cercle Républicain" du Revest, qui existe toujours, fait partie de ceux qui ont constitué une collection d'art. Cette pratique populaire et républicaine m'a toujours époustouflé. Que fait on dans les deux ou trois cercles républicains qui restent (jusque dans les années 70 le Var était empli de ces sortes de bar associatifs conviviaux et engagés) ? On boit un coup, on parle de liberté, d'égalité et de fraternité.
Et, que l'on soit érudit ou non, entre deux pastis on peut participer à la constitution d'une collection, atypique, collective et émouvante !
Il y a un très beau Decaris dans la collection du Cercle Républicain du Revest.
L'univers personnel d'Albert Decaris, qui reste assez méconnu, était extrêmement moderne, au sens des années 50, et totalement illuminé jusqu'à en être surréel. Avec un rapport profond à l'illumination spirituelle, qui passent par des images religieuses qu'il ne faut pas lire comme cléricales.
L'oeuvre laissée est volumineuse, impressionante, chatoyante.
Il a également constitué une sorte de cartographie élective en représentant l'univers méditerranéen : on trouve de lui une foule d'images puissantes, allégoriques et éclairées d'Italie, de Grèce...

Henri Pertus


Mais pourquoi garde-t-on d'Henri Pertus l'idée d'un peintre imagier ? Sur cette photo de jeunesse, nous sommes en 1933.
Oui, il a beaucoup donné à la dérive paysagère provençale, mais pas seulement...
Il admirait Braque, et lorsqu'on pénètre un peu dans son oeuvre, même effet qu'avec Nardi : une qualité de propagation des formes apparaît, un jeu de dessin et de couleur se confirme.
Il est l'un des grands du passé dont une relecture est urgente.
Cela d'autant plus qu'elle serait facilitée par sa famille, qui garde de lui une mémoire précise, intime, même (cette photo est intitulée "l'atelier de Riri", les grands hommes aussi peuvent avoir une face intime et tendre !).