mercredi 30 avril 2008

Eugène Delacroix


On oublie souvent comment Toulon a joué le rôle de point de départ et de retour de rêve de voyages. Delacroix rentrant du Maroc, y inventant la peinture orientaliste, donnant des lettres de noblesse aux carnets de voyage, y a passé le temps qu'il fallait pour "décompresser", effectuer la transition avec l'Europe, contribuant à créer cette image d'extraterritorialité - presque une insularité, une ville de bord de mer dont on a l'impression qu'elle pourrait se détacher du continent et partir à la dérive, porteuse de la décadence d'anciens rê ves coloniaux.... Nos imaginaires méditerranéens sont marqués par ce statut extraterritorial. Lorsque le bateau "la Perle" le dépose à Toulon, le 5 juillet 1832, il écrit à ses amis parisiens à propos de l'atmosphère d'émeutes qui règne dans la capitale que l'on "ferait bien d'aller au Maroc apprendre la patience et la philosophie", et, là dessus, il ne rentre pas à Paris. Il reste sur la rade quelque temps, à Tamaris principalement semble-t-il. Plus tard, George Sand lui écrira de là, aussi, semble-t-il, trente ans plus tard.
Je ne peux pas m'empêcher de citer à ce point de la réflexion une phrase de Farrère dans "Les Petites Alliées" : "tu verras, Toulon ce n'est pas la Province, c'est l'étranger, ou plutôt la colonie".

Elian Bachini


Et encore un photographe. Elian Bachini est surtout connu pour son travail sur la danse, mémoire construite avec persévérance, douceur et humour tout au long des éditions du Festival de Danse de Châteauvallon.
Mais il ne photographie pas que la danse.
Et ne travaille pas qu'en noir et blanc !
Même s'il note patiemment les mouvement des artistes sur scène, qu'il doit maintenant posséder une photothèque des plus gigantesques, tout son travail ne s'arrête pas là.
Il faut lui demander ses photos de voyage, tout spécialement celles qu'il fait en Italie, et à partir de là, faire des découvertes.

dimanche 27 avril 2008

Pascaline Richtarch-Castellani


"On danse", a longtemps dit Robert Richtarch qui partage sa vie et a longtemps partagé le moment du rêve juste avant l'oeuvre.
Maintenant, elle danse. Pascaline Richtarch a toujours créé des moments de danse personnels, inclassables, originaux, subtils et violents parfois.
Raconter l'aventure des sentiments, les chocs multiples de la mémoire, sans s'enfermer dans autre chose qu'un style personnel, la caractérise.
Autour de cela, elle a créé un vocabulaire - bien sûr, il ne plaît pas à tout le monde - certainement parce qu'il lui appartient et ne se coupe d'aucune liberté.

Les soeurs Théret


Il y a donc - deuxième allusion à ce fait dans ces pages - des photographes à Toulon.
Les soeurs Théret ont très certainement participé à ce mouvement.
Elles comptent depuis qu'elles existent parmi les portraitistes les plus respectées, dans le monde, aurais je envie de dire sans beaucoup me tromper.
Discrètes, perfectionnistes, les soeurs Théret sont aussi ouvertes, chaleureuses. Derrière leur vitrine de l'avenue Colbert, on sent la délicatesse de leur implication dans le travail du regard. Mais il y a aussi derrière cette vitrine la chaleur d'une écoute, et nombre de photographes ont su qu'ils pouvaient s'appuyer sur elles pour se faire connaître, et, parfois, tout simplement exister grâce à leur soutien.
Elles ne sont pas que portraitistes. La photo ci-contre en est un indice - je me souviens aussi de travaux sur le paysage, les rochers et la pierre de terres rurales, où je ressentais la marque humaine dans un paysage rude et beau - mais cela nous ramène à l'idée de donner l'image de la trace humaine, pas si loin du travail de portraitiste.
Elles sont le seul indice que je connaisse d'une forme de sociabilité toulonnaise cachée, enfouie dans les réseaux de l'intime, où brille l'intérêt pour la beauté de l'autre.
Mais il n'y a pas de Toulon que l'on vient pour se faire photographier chez elles.
Je suis l'heureux possesseur de cette photo - elle déménage avec moi dans les chambres que j'ai à Toulon, et j'ai eu la chance, un jour de pouvoir la choisir, chez elles, ce n'est pas un portrait mais c'est un véritable portrait, et il rend compte d'une partie pas toujours connue de leur travail.

jeudi 17 avril 2008

François Arnal


Grand bonhomme, François Arnal. Fils de viticulteurs valettois, j'ai du mal à m'habituer à l'idée qu'il soit né en 1924 - il est exposé avec constance. Il y a longtemps que rien n'a été fait autour de lui à Toulon. La série dont est extraite cette image est nommée "Carrés magiques", c'est une référence à Klee. Catherine Millet lui a consacré un très grand texte, dont je retiens une phrase : "ne pas occuper l'espace, le traverser"; c'est cependant un texte moins connu qui pose ce que je préfère : "l'émotion en temps réel". Il a toujours eu une maison au Pradet, dont la nature environnante porte des traces de son travail.
Il a toujours su se situer dans le mouvement planétaire (à l'époque des "mouvements", il a participé au développement des notions d'abstraction lyrique, en évitant l'emphase, et d'art informel. L'un pourrait bien être l'antidote de l'autre, et son art se suffit à lui même. Il a beaucoup voyagé, ses travaux voyagent beaucoup, comme en retour.
Ce carré magique a un nom : "Faiseur d'emmerde".

mardi 15 avril 2008

Corinne Battista


Elle travaille sur la vie quotidienne, les souvenirs, la mémoire. C'est une recherche qui mêle photographie et travaux plastiques, entre narration et distorsion consciente du réel, subjectivité décrite, émotion transmise et sens social déplié.
Ouverte et voyageuse, elle s'intéresse à la narration et à l'écriture, mais elle a appris ici et vit ici.
Je me dis parfois qu'elle prolonge la figuration narrative, qu'elle a des points communs avec ce que Giacobazzi a induit dans la mémoire toulonnaise.
Cela va bien sûr ailleurs et au-delà.

mardi 1 avril 2008

François Nardi


Il a été de son époque tout en s'adaptant aux besoins conservateurs du public local. François Nardi me semble être une joyeuse exception de modernité adaptée.
C'est un des rares peintres restés provinciaux sans rester provençal, dans ses techniques et ses visions circulent tous les grands vents du moment où il a vécu - il est mort une année symbolique, 1936.
Modernité et respect de cultures populaires. Cette toile n'est pas la plus époustouflante (d'autres ont la force de Signac sans ses maniérismes), mais elle me permet d'aborder la présence de l'italianité à Toulon, ni ouvrière ni d'immigration, mais d'échange.
Oui, Nardi a peint tranquillement des paysages vénitiens comme il a vendu des vues du Cap Brun, des vues toujours domestiques, comme si derrière les fenêtres on n'oubliait pas de faire dignement la sieste.
Giacobazzi prolongeait 50 ans plus tard cette réalité géographique : il avait une galerie vénitienne, des amis vénitiens, qui vous reconnaissaient avec plaisir dans la rue en se souvenant, et en connaissant la culture ouvrière seynoise. Et avec respect, s'il vous plaît, comme même les seynois n'en sont déjà plus capables.

Giacobazzi


Giacobazzi (Jean-Pierre, la génération suivante est en train de monter !) est emblématique. De l'ouverture d'esprit, d'abord, d'une façon de se situer dans l'histoire. Ses images ont toutes pour conséquence de prouver l'existence d'un "bonheur du métissage" tout à fait toulonnais, sans pour autant en oublier de décrire les difficultés de l'immigration. I
l m'est même arrivé de passer une nuit dans un tableau de Giacobazzi : dans mon compartiment du train Strasbourg-Milan-Rome, monte une toute vieille dame tout en noir, toute ridée, poussée dans le wagon par trois jeunes et forts fils, qui l'ont ensuite entourée d'une dizaine de cartons numérotés, direction : Naples. Elle m'a réveillé toutes les heures pour compter avec moi chacun des cartons.
C'est de la figuration critique, non ?

Gilles Clément


Un autre auteur de la Vallée de Châteauvallon, dont les travaux restent, eux aussi, à continuer. Il a en quelque sorte repris le flambeau d'Henri Komatis, qui avait dit dès le départ que le meilleur sort de ses oeuvres et constructions serait d'être un jour noyées dans la végétation.
Pas loin de Toulon il a aussi créé ce que je considère comme son principal jardin : le Domaine du Rayol. Il n'aime pas qu'on situe son travail dans l'art et revendique le mot de jardinier, ce que je trouve être une posture d'artiste, justement. Entre jardin planétaire et un goût pour arriver à faire vivre sur la même terre des plantes à première vue incompatibles, aujourd'hui il se déploie dans le politique, ça me rappelle une phrase de Leonardo Sciascia sur la "ligne du Palmier, qui pousse tout le long de la botte italienne et se développe en Europe..."

Henri Komatis


Je regrette de n'avoir jamais pris le temps de terminer un travail un tant soit peu sérieux sur Henri Komatis. Je crois que Simone et Henri Komatis comptent parmi les premières personnes que j'aie rencontrées en arrivant à Toulon - milieu d'après midi en juin, Henri sculptait les créatures de l'escalier, Simone lui tenait compagnie, je me disais qu'il y avait quelque chose de Corse dans cette vallée en pleine ville.
J'ai retrouvé à travers lui l'écho de toutes mes mythologies méditerranéennes, et j'aimais beaucoup l'écouter, sans forcément répondre.
Il était aussi un peintre moderne, constructiviste dans l'utopie collective. Il est un des très rares cas d'artiste mangé par son oeuvre (je connais bien d'autres travaux de lui qui construisent de ce qu'il faisait une image plus complète). Décidément, il faudrait que je mène un jour à bien un travail sur et autour de lui, car avoir pour matériau une valée habitée pour les rêves des autres, c'est trop fort our un seul homme !

Philippe Maillard


Il est d'une autre génération que la mienne. Il semble d'ailleurs que celle là a plus de difficultés à faire parler d'elle. C'est un beau et joyeux travail, qui pose la question de la modernité et de la post-modernité. Nous attendons d'eux qu'ils nous surprennent, lorsqu'ils le font la reconnaissance leur est rarement accordée. Mais très souvent, ils semblent raconter une histoire moderne, ont l'allure de l'innovation tout en racontant une innovation passée. En tous cas, il y a de l'humour, de l'élan et une grande qualité de travail chez ce jeune homme.